Quand le chantier de reclassement du fonds iconographique Pifteau permet de jolies découvertes

En 2023, une exposition et diverses manifestations ont permis de sortir de l’ombre Fernand Pifteau et sa collection. Mais l’histoire ne devait pas s’arrêter là. Après l’achèvement du traitement intellectuel et matériel des documents imprimés, débuté dans les années 90, il restait encore du pain sur la planche. L’équipe du département Patrimoine écrit du SICD a donc retroussé ses manches et s’est penchée sur la question de la réorganisation et du reclassement du fonds iconographique, connu de quelques initiés seulement, avec à la clé, satisfactions et jolies découvertes.

Le fonds iconographique Pifteau

Fernand Pifteau (1865-1942) est un bibliophile atypique qui a exercé plusieurs métiers mais n’a connu qu’une seule passion : le patrimoine écrit et graphique du pays toulousain. Il a ainsi collecté plusieurs milliers de documents datés du 15e au 20e siècle, sur des sujets et sous des formes variées. On trouve dans sa collection beaucoup de livres anciens mais également un patrimoine dont les bibliothèques sont moins familières : les images.

Bilan de l’existant : du plan de classement à la cotation 

Par fonds iconographique on entend des documents figurés tels que les estampes, les dessins, les affiches, les cartes postales, les photographies et les plans. Diversité est le maître mot !

Le fonds iconographique Pifteau est un fonds de relative petite taille puisqu’il compte quelque 1 000 documents.  Le travail matériel proprement dit autour de cette collection avait déjà été amorcé par nos prédécesseurs : un classement thématique et un travail de cotation et de reconditionnement avaient déjà été effectués.

Le classement thématique des documents iconographiques du fonds Pifteau remonte à 2005. Quelques années plus tard, une réflexion sur la simplification de celui-ci a été menée mais n’a pas pu être mise en œuvre faute de temps.

En bibliothéconomie ou en archivistique, un plan de classement est un outil d’organisation des documents qui facilite le classement, le repérage et les recherches avant que le fonds soit entièrement décrit. Celui-ci permet de s’orienter de manière logique et hiérarchique — d’un sujet général à un sujet spécifique — dans un fonds d’archives ou une collection.

Le plan de classement du fonds iconographique Pifteau comptait 12 classes de 1.  Cartes et plans  à 12. Divers . Ces classes ou entrées étaient ensuite plus ou moins détaillées.

Voici l’arborescence complète :

En définitive, ce plan de classement était également un manuel de cotation.

En effet, la cote de chaque document était constituée du préfixe Resp Pf Est (documents iconographiques du fonds Pifteau) suivi d’une classe ou sous-classe thématique. Enfin, figurait un tiret et le numéro d’ordre du document dans cette classe / sous-classe.

Les cotes pouvaient être longues, particulièrement complexes et les erreurs possibles de compréhension ou de rangement trop nombreuses.

Un premier état des lieux a été dressé, mettant en évidence les faiblesses de l’actuel classement.

Tout d’abord, quelques incohérences, liées à un classement trop détaillé, qui avaient pour conséquence de disperser des documents à thématique proche :

“Source ferrugineuse près Luchon” à gauche cotée Resp Pf Est 213-9 —> 2. Paysages > 21. France > 213. Pyrénéisme

“Cascade des Demoiselles près Luchon” à droite cotée Resp Pf Est 315-5 —> 3. Lieux toulousains et non toulousains > 31. L’eau > 315. Les cascades

Nous avons également relevé quelques erreurs d’appréciation. Cette gravure “La Trappe du Val-Sainte Marie” cotée Resp Pf Est 511-104 —> 5. Vie sociale et culturelle > 51. Arts > 511. Beaux-arts ne concernait absolument pas les beaux-arts.

A ceci s’ajoutait le fait que classes et sous-classes thématiques portaient parfois le même indice. C’était le cas de la sous-classe 11. Cartes et la classe 11. Photos ainsi que la sous-classe 12. Plans et la classe 12. Divers. Même l’ajout d’un point distinctif n’empêchait pas le risque d’erreur lors du rangement des documents.

Carte cotée Resp Pf Est 111-1 et vue stéréoscopique cotée Resp Pf Est 11.11-1

De quoi donner des sueurs froides à tous les bibliothécaires¹.

Enfin, ce plan de classement intégrait d’autres documents, de diverses natures, comme des cartes (sous-classe 1), des partitions (sous-classe 514), des ephemera (classe 9).

Réorganisation : un pragmatisme obligatoire

Tout d’abord, nous avons clarifié la situation en isolant les types de documents suivants : cartes, partitions, ephemera et photos.

Pour la cotation, nous avons conservé le préfixe signifiant et déjà utilisé pour l’ensemble des documents du fonds Pifteau « Resp Pf » suivi des lettres suivantes :

-Cpl pour les cartes et plans ;

-Eph pour la collection d’ephemera ;

-Mus pour les partitions ;

-Phot pour les photos ;

-Est pour les estampes et les dessins.

Les estampes et œuvres graphiques présentent traditionnellement une grande hétérogénéité de formats, coïncidant avec les formats traditionnels de papier (on en compte une vingtaine). Il est donc essentiel d’éviter qu’une pièce de petite taille ne se trouve perdue au milieu d’images plus grandes : elle risquerait en effet de se froisser, voire de se plier. Pour autant, les formats des documents iconographiques du fonds Pifteau sont assez homogènes. Nous n’avons donc pas choisi de privilégier un classement par format.

Pour éviter de ventiler les estampes et les dessins dans de multiples classes thématiques, et sans trop bouleverser le travail déjà effectué, nous avons pris le parti de ne garder que 8 classes et 15 sous-classes. Cela a l’avantage d’éviter une trop grande dispersion des documents mais également de faciliter le travail en magasin avec une longueur de cote raisonnable. Afin d’éviter l’écueil des successions de chiffres, nous avons opté pour les 8 premières lettres de l’alphabet.

Ce plan de classement simplifié a été mis à l’épreuve² et validé début juillet 2024.

L’ensemble des estampes et documents graphiques du fonds Pifteau sera prochainement recoté selon le schéma suivant : Resp Pf Est – lettre de la classe ou sous-classe thématique – numéro d’ordre (à 3 chiffres).

Exemple : Resp Pf Est A 001 pour la première estampe représentant un paysage.

Bien sûr, l’ancienne cote sera reportée au verso de chaque document ce qui prendra un certain temps …³

Des découvertes et un début de valorisation

Parallèlement à ce travail sur le classement et la cotation, le catalogage des collections iconographiques a été entamé grâce à des renforts. Pour l’instant, le personnel du département du Patrimoine écrit du SICD n’a pas reçu la formation adéquate. Ce chantier est loin d’être terminé mais donne déjà l’occasion de découvrir des documents méconnus voire jamais repérés.

Les quatre albums photographiques recotés Resp Pf Phot 01 à 04 sont désormais catalogués. A cette occasion, un portrait carte de visite⁴ réalisé par la photographe nancéienne Céline Châtelain (1833-1908) a déjà été repéré par le musée lorrain, qui a pu identifier la personne représentée grâce à la note manuscrite figurant sous la photo⁵. Peut-être que cet album en compte d’autres, mais seul un démontage complet de celui-ci par un technicien d’art nous le dirait, la majorité des photos-cartes étant glissées dos à dos dans des fenêtres.

Le catalogage du fonds photographique Pifteau nous a également permis de découvrir la seule photographie⁶ connue d’une exécution publique (Resp Pf Phot 23). Les Archives municipales de Toulouse conservent la plaque de verre⁷ ainsi que des tirages de cette même photographie.

Le travail sur les estampes et autres œuvres graphiques du fonds Pifteau désormais regroupées dans la cote Resp Pf Est nous a permis de repérer des gravures des artistes Toulousains Jean Rème (1882-1941) ou Eugène de Malbos (1811-1858) mais également de trouver des portraits méconnus comme celui de Cécile Combettes lithographié par le Toulousain Jean Raynaud et actuellement présenté à la BU de l’Arsenal dans l’expo flash “Faites entrer l’accusé !“.

A plus long terme, un projet de versement de portraits anciens de personnalités toulousaines sur Wiki Commons, commun avec la bibliothèque municipale de Toulouse, est en cours de réalisation.

Pour en savoir plus

Calenge, Bertrand (dir.). Mettre en œuvre un plan de classement. Villeurbanne : Presses de l’Enssib, 2009

Images et bibliothèques. Paris : Éditions du cercle de la librairie, 2011

Les images dans les bibliothèques. Paris : Éditions du cercle de la librairie, 1995

Mallick, Astrid. Gérer un fonds iconographique en bibliothèque. Carnet de recherches Hypothèses Épitomé. [en ligne]

1. Pour tous les bibliothécaires “un document mal rangé est un document perdu” [↩]
2. Il a fallu brasser et passer en revue l’ensemble des documents durant un chantier d’été [↩]
3. La devise du département Patrimoine écrit du SICD n’est-elle pas “patientia et constantia” patience et persévérance ? [↩]
4. Ou photo carte [↩]
5. Il s’agit de la Baronne du Montet, née Alexandrine de La Boutetière de Saint-Mars (1785-1866) qui a épousé un lorrain, le Baron Joseph du Montet [↩]
6. Vue stéréoscopique [↩]
7. Déposée en 2006 par l’Association Les Toulousains de Toulouse. Archives Municipales de Toulouse. 51Fi1851 [↩]

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